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Un bananier Hondurien
PARCOURS D'OBSTACLES

A deux reprises, le Dallas toucha le fond pendant que Malevergne le guidait avec beaucoup d'audace à travers les navires coulés. Les obus de l'artillerie de la casbah s'abattaient tout autour alors que le navire poursuivait lentement et prudemment sa progression à l'intérieur des terres. A l'approche de la dernière courbe, des balles de mitrailleuses, défendant l'aérodrome, sifflèrent autour du navire. Le Dallas répondit avec ses propres canons de 76 mm, il toucha encore le fond mais le pilote, imperturbable réclama "machines avant toutes !" grâce à quoi la quille du Dallas tailla une tranchée dans la vase.

Peu après, ils virent l'aérodrome droit devant.

Le Dallas s'immobilisa au milieu du fleuve et, bien que soumis à un feu nourri, débarqua son détachement de commandos de soixante-quinze hommes sans subir la moindre perte humaine ou matérielle. Sur le pont, les officiers poussèrent un soupir de soulagement et félicitèrent Malevergne.

Mais l'heure du repos n'était pas encore arrivée pour le pilote français. Après des adieux précipités, il retourna à Mehdia à toute vitesse dans une jeep américaine, embarqua sur le Contessa, et à 15 heures, il recommençait une remontée du chenal envasé, étroit et sinueux. Malheureusement, la marée haute était passée depuis une heure et, avec ses 5,20 mètres de tirant d'eau, le Contessa heurta brutalement un banc de sable à mi-vitesse.

Leslie décrivit plus tard la scène ainsi : "Le pilote Malevergne mit en avant toutes mais le navire ne répondit pas assez rapidement et nous heurtâmes le brise-lames sur notre proue par bâbord. Le Contessa tenait bien, mais il était perforé dans la partie avant de sa cale numéro 1 et un sondage, effectué dans les deux minutes qui suivirent, révéla une hauteur d'eau de 4 mètres, pompes en marche. Nous continuâmes la remontée du fleuve sous des coups de feu épisodiques jusqu'à ce que nous arrivâmes à la hauteur des navires sabordés, Batavia et St Emile. Ces bateaux avaient été coulés dans un méandre prononcé du fleuve. La seule possibilité de passer entre les deux navires étaient de faire "machines avant toutes". Nous essayâmes mais heurtâmes de nouveau, le fond à pleine vitesse. De ce fait, la proue du navire glissa sur 15 mètres environ et s'échoua sur un banc de vase. Nous étions à mi-marée, et il nous fallait attendre la prochaine marée.

Les hommes s'installèrent pour une attente angoissante. Comme l'écrira plus tard le correspondant de guerre Bertrand B. Fowler, "Maintenant les hommes écoutaient plus attentivement le grondement distant des canons lourds et le martèlement des mitrailleuses. Un seul impact pouvait être fatal et envoyer le Contessa et son équipage au rang des souvenirs. Mais personne ne quitta le bateau, personne ne songea à trouver refuge à terre. Tous, sans exception, y compris les nouvelles recrues de la prison de Norfolk, attendirent la marée et la "dernière chance du Contessa".

Fowler poursuivit : "La plupart d'entre eux tremblaient avec le Contessa au fur et à mesure que la marée montante tourbillonnait autour de la coque. Leurs cœurs vibraient au rythme des pompes qui peinaient. Puis, les moteurs accélérèrent et ébranlèrent le navire de leurs battements retentissants. Les crampons de vase finirent par relâcher leur étreinte et le Contessa commença à osciller lentement. Ce mouvement se poursuivit jusqu'à ce que sa proue soit dirigée vers l'aval".

Dès qu'il flotta librement, Malevergne donna l'ordre aux machines de "battre en arrière toutes". "Lentement" dit Fowler, "centimètre par centimètre, le Contessa se retira du banc de vase, sa proue basse sur l'eau. Mètre par mètre, il remonta le fleuve en marche arrière en direction de l'aérodrome".

Puis, à 700 mètres de l'aérodrome, le navire toucha lourdement le fond et s'immobilisa. Bien qu'échoué, le Contessa avait atteint sa destination.

Débarquement
Tout ce qui pouvait flotter, chalands, barcasses … fut réquisitionné et précipité dans le fleuve. L'équipage et les G.I se transformèrent en dockers pour décharger la précieuse et volatile cargaison. Des hourras s'élevèrent lorsque les hommes fatigués virent les premiers avions de combat de l'armée américaine s'apprêter à atterrir.

Une fois allégé de sa cargaison, le Contessa, bien qu'endommagé par tant de traversées, put remonter le chenal vers la haute mer et rejoindre le Dallas, leur mission accomplie.